[ La croissance début de siècle. De l'octet au gène - Lycée du Parc
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Fiche de lecture

La croissance début de siècle. De l’octet au gène

Robert Boyer - Bibliothèque Albin Michel Économie - 2002.

Le dernier livre de Robert Boyer - La croissance début de siècle. De l’octet au gène - Bibliothèque Albin Michel Économie - 2002 - mérite toute notre attention

Il remet en cause la vision commune d’une révolution fondée sur les TIC engendrant une « Nouvelle Économie » parée de toutes les vertus et permettant notamment des gains de productivité durables et importants, l’ouverture de nouveaux marchés, une gestion plus efficace des entreprises, et donc in fine l’élimination du cycle économique traditionnel. Robert Boyer soumet ces propositions à la critique et bien peu en réchappent. Plutôt que de s’en tenir à la destruction de certains mythes, il ouvre des pistes et des espoirs pour un nouveau mode de développement.

Le krach des valeurs technologiques, le surinvestissement caractéristique de ce secteur, la récession du début des années 2000, ont certes remis en cause l’enthousiasme entourant l’émergence de la « Nouvelle Économie ». Cette expression a même disparu aussi vite qu’elle avait fait florès. Mais ce contexte nous contraint d’amorcer une réflexion sur les causes de cette situation et sur le devenir possible des économies développées en ce début de siècle. L’ouvrage de Robert Boyer a le grand mérite de chercher à donner du sens à ces phénomènes apparemment irrationnels.

Tout d’abord, il ne s’agit plus d’acclimater en Europe des recettes ayant fait le succès des Etats-Unis. D’ailleurs, l’Europe n’est pas uniformément et irrémédiablement en retard : de petites économies ouvertes de type social-démocrate (Finlande, Danemark) enregistrent d’excellents résultats grâce à leur maîtrise de l’usage et de la production des TIC. Leurs institutions sont cependant de nature très différente de celles des Etats-Unis : stratégies de type coopératif versus mise en concurrence radicale. Le fossé numérique entre les pays et à l’intérieur de chacun d’entre eux n’est donc pas une fatalité ! Il est vrai que les inégalités peuvent s’aggraver dans les économies où domine une logique de concurrence, mais les pays scandinaves sont là pour rappeler que ce danger n’est pas inhérent aux TIC, mais directement conditionné par les principes de justice sociale et par les arrangements institutionnels qui régissent la distribution du revenu et plus généralement les formes de solidarité. Halte au déterminisme technologique !

L’auteur se penche à la fin du livre (chapitre VIII) sur le modèle qui serait en gestation sous les phénomènes de surface dénommés « Nouvelle économie ». Il pense que la croissance du futur, non seulement sera de plus en plus fondée sur la production d’idées par des idées (théories de la croissance endogène), sur l’usage des TIC (dont il ne remet pas en cause la nécessaire diffusion), mais encore davantage sur « la production de l’homme par l’homme ». En témoignent la forte demande de santé et d’éducation, l’aspiration à doter ses enfants d’une bonne formation, la recherche d’une vie plus longue en bonne santé. Ce serait donc la « reproduction anthropogénétique » de la population qui devrait structurer la croissance du futur. Fondée sur l’élargissement des connaissances scientifiques (surtout biologie et génétique, mais aussi sciences humaines, pédagogie, …) et sur la diffusion de biens nouveaux (médicaments par exemple), cette « reproduction » mettrait à son service les TIC, qui ne joueraient pas pour autant le rôle quasi-exclusif qu’on a tenté de leur attribuer ces dernières années dans la « Nouvelle économie ». Mais alors se pose de nouveaux problèmes : frontière entre public et privé (les dépenses d’éducation et de santé sont largement financées par des prélèvements obligatoires), brevetabilité du vivant…

Il faudrait donc se poser la question du contexte institutionnel permettant l’émergence de ce nouveau modèle de croissance, tout particulièrement en Europe. Des questions brûlantes, puisque l’Europe (et la France) font plutôt le choix du contrôle des dépenses publiques d’éducation, de santé, de retraite et de recherche, alors qu’elles constituent sans doute la clé de l’avenir… Un ouvrage qui constitue la base de débats argumentés d’excellent niveau et qui prolonge les travaux de ce fondateur de l’École de la Régulation.