Lycée du Parc
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Après le décès du philosophe John Rawls
mercredi, 27 mars 2013

Le philosophe américain John Rawls est mort dimanche 24 novembre 2002, à son domicile de Lewiston dans le Massachusetts.Il avait 82 ans. Depuis la publication de Théorie de la justice, en 1971 (Seuil « Points Essais »), il était considéré comme l’un des principaux penseurs politiques de notre temps.

Il a suscité le vif intérêt des philosophes puisqu’il renouvelle la tradition « contractualiste », issue de Kant.

Mais il a également provoqué de nombreux débats chez les économistes, puisqu’il a cherché à rendre compatibles l’exigence d’efficacité économique et celle de justice sociale. Une société juste est pour lui définie par trois principes (en simplifiant beaucoup, bien entendu) :

C’est d’abord une société dont les membres jouissent pleinement et également des « droits de l’homme », c’est-à-dire d’un ensemble de libertés fondamentales et d’un « égal respect et considération ».

Elle est ensuite une société d’où est bannie toute forme de discrimination. Chacun doit pouvoir prétendre occuper les positions sociales correspondant à ses capacités fondamentales. L’égalité des chances (notamment scolaires) doit être garantie.

Enfin, les seules inégalités tolérables sont celles qui permettent aux plus désavantagés d’accéder durablement à des avantages socio-économiques plus importants que sous tout arrangement plus égalitaire. La justice doit permettre de rendre aussi grande que possible la part la plus petite !
Ainsi, la rémunération des talents peut créer un supplément de produit en stimulant la recherche, l’incitation à la formation. Des inégalités vont en résulter. Mais elles sont tolérables à condition que la part des plus faibles s’en trouve augmentée. Remarquons que ceci implique par exemple la liberté d’accès aux biens publics fondamentaux comme le savoir, la santé, le logement…

Comme le souligne Philippe Van Parijs, Professeur à l’Université de Louvain, chaire Hoover d’éthique économique et sociale, dans Le Monde daté du 27/11/2002, page 33 :
« Sa conception de la justice distributive offre une alternative radicale à l’utilitarisme, en mettant en avant les libertés fondamentales et le souci des moins favorisés ».

Remarquons que son œuvre suscite aussi la critique, voir par exemple l’analyse qu’en faisait Mireille Elbaum de l’OFCE dans la Revue Esprit de Décembre 1995 dans son article - Priorité à la lutte contre l’inégalité - Elle y soulignait les apports fondamentaux de Rawls, mais aussi certaines de ses ambiguïtés : « Sa théorie de la justice suppose en effet qu’il n’y a aucune contradiction entre la lutte concurrentielle dans la sphère économique et le respect, par des citoyens pacifiques et unanimes, d’un accord social sans conflits, ni rapports de force. Elle conserve le principe d’une séparation entre les champs de l’économique et du social, et légitime l’idée qu’il existe un lien établi entre inégalités sociales et efficacité économique, sans s’interroger sur la compatibilité entre ces inégalités et l’égalité par ailleurs souhaitée en matière d’accès aux postes et aux fonctions. »

Pour approfondir, voir :

Le livre de Jean-Pierre Dupuy, Professeur de philosophie à l’École Polytechnique - Avons-nous oublié le mal ? - Penser le politique après le 11 septembre - Collection Le temps d’une question - Bayard - 2002.
Ce dernier auteur fait aussi une critique décapante de la théorie de Rawls en soulignant son inaptitude à poser le problème de l’injustice pour des personnes réelles et pas uniquement pour une « société d’automates ». Ceci permettrait de reposer le problème du mal, lié à l’envie et au ressentiment que suscite notre société…

De J. Rawls, voir :